Jrmie regarda sa montre. Il tait 18:41. Il lui avait fallu exactement une demi-heure pour finir de rdiger le devoir maison de mathmatiques qui avait t distribu la fin du cours et qui tait rendre pour la semaine prochaine. Il ferma son stylo et rangea soigneusement ses deux copies doubles dans son sac de cours. Depuis le dbut de l'anne, il avait habitu Monsieur Pernoy, le nouveau professeur de mathmatiques en charge des classes de lyce, rendre ses devoirs maison en un temps record et finir les contrles sans aucune erreur ni rature.
Mais si ce soir il avait expdi son travail, ce n'tait pas pour la mme raison. Il teignit l'cran de son ordinateur et s'observa sur ce miroir improvis. Il considra son teint de peau, qui avait eu beaucoup de mal prendre quelques couleurs pendant l't. Il contempla ensuite ses bras, maigres et toujours aussi peu aptes l'aider en cours de sport. Il repensa la semaine dernire, quand pour rigoler Aelita lui avait propos de faire un bras de fer au foyer, qu'elle avait emport sans grande difficult. Elle avait rigol, et rien que pour son sourire, Jrmie aurait t prt se refaire humilier. Il regarda ses cheveux, qu'il avait fait dspaissir et couper lgrement plus court. Il avait pris trois centimtres pendant l't, et quatre autres pendant les deux premiers mois de cours. Ce qui ne faisait toujours pas de lui quelqu'un de grand.
Il se leva et poussa sa chaise d'ordinateur.
Aelita.
Il regarda de nouveau rapidement sa montre et se dirigea vers la porte. Atteignant la poigne, il se rendit compte qu'il n'avait pas retenu l'heure qu'il tait. Il se maudit et regarda encore une fois. 18:45. Il avait quatre minutes se regarder. Il se maudit nouveau et sorti de sa chambre. Alors qu'il fermait sa chambre cl, une voix familire faillit le faire sursauter.
-Tiens Einstein tu tombes bien, j'ai essay de commencer de faire le dbut du DM de maths que Pernoy nous a donn aujourd'hui, mais j'avance rien, c'est encore plus dur que de faire du baseball avec des mgatanks !
C'tait bien videmment Odd qui se dirigeait grand pas vers lui, avec son air narquois et sa bonne humeur qui ne le quittaient quasiment jamais. Malgr son stress, Jrmie ne pu s'empcher de sourire. Non seulement la comparaison que son ami venait de faire, mais aussi l'cart de voix qui s'tait produit lorsque celui-ci avait prononc mgatanks . Au grand dsarroi de l'ternel blagueur et pour le bonheur du reste de la classe et de leur bande, Odd tait, depuis la rentre, en train de muer.
Avec un peu de mal, il contint son amusement :
-Dsol Odd, je euh... Il... Enfin je vais voir Aelita l.
Odd avait srement ressenti le trouble de Jrmie et parut comprendre.
-Oh mais pas de problme Romeo, de toute faon on a une semaine pour le faire, mais cette anne j'ai envie de bosser un peu plus !
-T'inquite mon vieux, demain on est samedi. Si tu veux je viens l'aprs-midi et je t'explique tout en dtails.
Il tait sincre, mais l il n'avait pas le temps. Il sentait tout le courage qu'il avait emmagasin pendant plusieurs semaines fondre beaucoup trop rapidement. Odd posa sa main sur l'paule de son ami.
-Allez, te fais pas de soucis Einstein. Va parler ta princesse. De toute faon on se retrouve au foyer avant d'aller manger. Moi en attendant je vais demander Ulrich s'il n'aurait pas par hasard une batte de baseball.
Odd reparti dans sa chambre. Jrmie reprit son chemin vers le dortoir des filles. Il aurait aim avoir autant d'assurance qu'Odd. Allez, pensa-t-il, tu peux quand mme le faire Belpois. Prend ton courage deux mains et va la voir !
Aelita.
Il arriva devant sa chambre et couta. Il n'y avait pas de bruit. Etait-elle autre part ? Il aperu Sissi qui se rendait au foyer. Celle-ci le salua gentiment et descendit. Jrmie oubliait trop souvent que depuis le jour o ils avaient teint le Supercalculateur, Ulrich avait signifi la fille du proviseur qu'ils pouvaient tre amis, arrter de se disputer. Finalement cela lui convenait ; Sissi les avait aid de nombreuses reprises et s'avrait tre quelqu'un de trs gentille, mme si elle restait dsesprment inculte ses yeux. En fait elle avait t mchante avec eux pendant deux ans parce qu'elle voulait tre avec eux. Elle avait simplement t jalouse de ne pas faire partie de leur groupe. Tout du moins c'est ce que Jrmie pensait. Mais depuis le dbut de l'anne, Sissi s'tait invite plusieurs fois la table o ils mangeaient, et a s'tait toujours bien .
Mais il divaguait. Encore une fois. Il se maudit. Encore une fois.
Aelita.
Il frappa. Pour son plus grand bonheur, la douce voix d'Aelita parvint ses oreilles.
-Entrez !
Jrmie ouvra la porte. Elle tait son bureau en train de ranger ses affaires. Elle se retourna et sourit :
-Ah c'est toi Jrmie !
-Salut ! Je ne te drange pas j'espre ?
-Non tu tombes merveille, je viens tout juste de finir mon devoir d'italien. Entre !
Jrmie ferma la porte et prit quelques secondes pour irer Aelita. Elle avait lgrement grandi pendant ces derniers mois, mais comme lui elle n'tait pas grande. a lui allait merveille. Comme son habitude, elle tait sans maquillage ; elle portait seulement de petites boucles d'oreille, roses, comme ses habits et ses cheveux. Son visage, tout comme le reste de son corps, s'tait fminis, ce qui la rendait, si c'tait possible, encore plus belle. Elle tait parfaitement mince, sans pour autant tre maigre. Il n'y avait nulle part la moindre trace de quelque bouton d'acn.
Elle tait magnifique. Sublime. Il n'avait pas de mots. Jrmie tait bien trop rationnel et scientifique pour croire en un quelconque dieu, mais si Aelita n'tait pas un ange descendu du ciel alors lui ne s'appelait pas Belpois. Il savait pertinemment que la perfection n'existait pas, mais la fille qu'il avait devant lui tait srement la crature sur Terre qui s'en rapprochait le plus.
Il essaya de se rappeler comment on parlait.
-Tu as euh... un peu de temps libre l ?
-Pour toi j'en ai toujours espce d'idiot, dit-elle en l'embrassant sur la joue. Allez assied-toi, tu ne vas quand mme prendre racine sur le seuil de la porte !
Jrmie avait prpar pendant plusieurs semaines ce qu'il allait dire aujourd'hui, mais en prsence d'Aelita, tous ses plans s'effondraient. Son sourire et ses yeux faisaient l'effet de tornades dans l'esprit du jeune homme, qui avait depuis toujours trouv les chiffres bien plus simples et abordables que les filles. Il prit place sur le lit de son amie ; elle s'tait adosse contre la fentre.
-Tu m'as l'air rveur, a ne va pas ? demanda-t-elle, ce qui le tira de son tat d'hbtement.
-Euh si si bien sr !
-Et bien alors parle, c'est pas compliqu non ? suggra-t-elle avec un air amus.
-C'est que... j'aurai tellement de choses te dire... Beaucoup trop en fait...
Je t'aime . C'tait tout, en ralit. Deux mots. Deux mots qui n'arrivaient pas sortir de sa bouche. Deux mots. Jrmie Belpois, tu es l'homme le moins courageux que cette Terre ne portera jamais.
Il tenta maladroitement de continuer :
-Je voulais t'en parler depuis trs longtemps... deux ans en fait.
Elle haussa les sourcils.
-Et tu as gard a pour toi pendant tout ce temps ?
-C'est pas facile... Voil, je... je suis dsol.
Aelita paru surprise :
-Dsol ? Mais de quoi ?
Cette fois Jrmie avait remis un peu d'ordre dans ses penses. Il su quoi dire.
-De tout en fait. Dj, de ne pas avoir russi sauver ton pre.
L'expression d'Aelita s'adoucit :
-Oh non, ne recommence pas Jrmie, combien de fois est-ce que je vais devoir te rpter que tu n'y es pour rien ?
-Mais si, justement ! Je me vois encore en train de te donner l'ordre de lancer le programme pour dtruire X.A.N.A., alors que tu aurais pu le dfendre...
-X.A.N.A. aurait envoy d'autres mantas, au final son sort tait fix ds qu'il nous a suivis dans Carthage. C'est toi qui as raison, il s'est sacrifi et on ne pouvait rien faire d'autre. Je t'assure, tu as pris la bonne dcision !
-Non, a aurait pu se er autrement ! Et a aurait DU se er autrement !
Il se leva.
-D'ailleurs je ne sais pas comment tu as fait pour me er pendant tout ce temps. Tes premires semaines sur Terre se sont merveilleusement bien droules, mais partir du moment o tu as su que tu avais une famille, j'ai enchain les bourdes. J'ai t nul de A Z. Je n'ai pas compris quel point a t'tait cher de savoir d'o tu venais... Je voulais tellement dtruire X.A.N.A. que j'ai tout fait er en arrire-plan, mme ta vie personnelle. Je ne me rends compte qu'aujourd'hui quel point j'ai t goste avec toi.
Aelita lui prit la main. Elle ne semblait pas nerve, juste un peu triste.
-Mais je savais que tu faisais a dans notre intrt tous Jrmie. Et je n'oublierai jamais que c'est grce toi que je suis de nouveau sur Terre. Je te dois ma nouvelle vie.
Le cœur de Jrmie battait la chamade. Ils taient trs proches l'un de l'autre.
-Oui je... enfin... tu sais, je n'aurai jamais dtruit le Supercalculateur sans t'avoir ramene sur Terre. Mme si le monde devait s'crouler. Je... J'ai tellement tenu toi ds le dbut. Et mme aprs... Quand tu es arrive sur Terre, c'est toi qui m'as motiv dans ma lutte contre X.A.N.A. En ralit je me suis battu contre lui... mais surtout pour toi Aelita.
Il la regarda et les yeux de l'lue de son cœur brillaient d'motion. Avait-il, pour la premire fois de sa vie, russi dire quelque chose de cens une fille ? Jrmie se demanda si un regard pouvait faire fondre le cerveau de son destinataire. Aelita pris sa deuxime mains dans la sienne.
-C'est... c'est merveilleux ce que tu viens de me dire Jrmie.
Elle tait rayonnante.
-C'est vrai ? Tu ne trouves pas a ridicule ou... totalement l'eau de rose ? demanda-t-il d'un ton incertain.
-Tu es sincre, c'est tout ce qui m'importe. Et tu es vraiment adorable quand tu es gn, ajouta-t-elle en rigolant. a n'a jamais t ton fort de parler de sentiments ?
Jrmie eut envie de prendre une pelle et de s'enfouir trs profondment.
-Non, surtout que ce que je voulais te dire depuis le dbut... C'est... Enfin je sais pas, j'y arrive pas...
-Peut-tre, suggra-t-elle, parce que a peut se er de mots ?
Il vit la scne au ralenti. Aelita lcha ses mains et a ses bras autour de sa taille. Son visage se rapprocha du sien. Ils taient proches. Trs proches. Il ferma les yeux. Leurs lvres se rencontrrent.
Le temps, pendant un moment, sembla s'arrter. Jrmie sentait que son cœur allait exploser. Il se promit de vritablement tudier les capacits des femmes faire fondre un cerveau. Il avait une conscience aigue du corps d'Aelita contre le sien. Sa peau tait vraiment parfaite. Il a ses bras autour de sa taille. Cet instant ne devait jamais finir.
Il rouvrit les yeux. Sa main caressa doucement la joue de la fille qu'il avait toujours aime. Ce n'tait donc pas un rve ?
Ils s'allongrent tous les deux sur le lit.
Aelita avait raison. Tout ce qu'il avait voulu lui dire pendant ces deux annes avait t condens dans ces quelques secondes. Et ils n'avaient pas besoin de mots. Sauf peut-tre quelque chose de simple.
-Je... Je t'aime Aelita. Vraiment... Enormment.
Elle se redressa et le fixa de ses yeux verts en souriant.
-Tu me dis a pour le cas o je ne l'aurai pas encore compris ?
Jrmie se demanda rellement si elle ne cachait pas une pelle quelque part dans son placard. Il tait vraiment plus dou avec les machines qu'avec les femmes. Mais Aelita rigola et se lova contre lui, appuyant sa tte contre sa poitrine.
-Moi aussi je t'aime Jrmie.
Il enveloppa ses bras autour d'elle. Pour la premire fois de la soire, il ne se maudit pas. Il contempla nouveau ses bras, maigres et toujours aussi peu aptes l'aider en cours de sport, mais qui en ce moment serraient entre eux la fille qu'il aimait et qui l'aimait.