Ce texte est l'oeuvre d'un certain Naoescolhaparajehan.
Pour Odd, le Jeudi tait le pire jour de la semaine. Le Jeudi tait journe dittique :au repas de midi, invariablement, haricots ou chou-fleur. Le Jeudi, trois heures de mathmatiques s'enchanaient avec deux heures de physique. Et surtout, le jeudi, il y avait sport. C'tait le principal problme d'Odd. Non pas qu'Odd soit mauvais en sport ! Bien au contraire, agile comme un chat, il suscitait l'iration de l'ensemble de la classe par ses prouesses. Il lui arrivait de surer Ulrich, il devanait largement Jrmy, si tant est que celui-ci et daign aller en sport et risquer le ridicule encore une fois...
Le problme d'Odd n'tait vrai dire pas un problme. C'tait mme un plaisir dont la seule pense lui donnait des frissons. Un vertige de sentiments incontrl, incontrlable. Gnant, trs gnant. Jamais avou, non avouable. Odd, mme s'il n'aimait pas se le dire, tait bien forc de l'ettre, surtout le Jeudi : il tait amoureux.
Il le savait depuis longtemps, depuis le dbut, c'tait grav en lui, son secret, sa raison de se lever le matin et de vouloir pleurer le soir, et de ne pas pouvoir. Lorsque la classe entire se ruait dans les vestiaires, au milieu du chahut, des conversations banales, des chansons paillardes, il lanait un regard timide, et aussitt il rougissait, et aussitt il tentait de le dissimuler...tous ces gens autour de lui, si on le voyait, si on comprenait...s'il comprenait ! Avez-vous dj t amoureux de votre meilleur ami ?
Il lui avait fallu trs peu de temps pour le comprendre, beaucoup pour l'accepter. Pourtant, Odd avait toujours vcu sans se poser de questions, dans la qute de l'amusement immdiat, accumulant les conqutes plus par curiosit que par intrt. A chaque fois, il voulait voir s'il pouvait retrouver LE sentiment. Ses tremblements en face de Sam, qu'il n'avait jamais revue. Ses frissons, voyant Aelita partir au bras de Jrmie. Son sourire bat regarder Ulrich dormir, toute la nuit, et parvenir rire sans rougir lorsque le jeune garon lui demandait le lendemain pourquoi ces billements rpts.
Et voil Ulrich qui lui sourit, conversation banale, ses vtements qui s'entassent sur le banc, au milieu de l'agitation. Quel effort, faire comme si de rien n'tait. Dans la chambre, il pouvait se faire plaisir, regarder l'air de rien, et puis un peu rver, personne ne le surprendrait rougir. Et d'ailleurs il ne se privait pas, au moins cette consolation l ! C'est vrai qu'il tait beau, le samoura. Mince, et muscl juste comme il faut. Les traits fins, le visage expressif, sa peau qui dgageait un parfum irrsistible, une invitation au dsir ! Et c'est qu'il tait intelligent, avec a ! Et son meilleur pote, en plus, ils riaient aux mmes blagues, partageaient les mmes secrets...mieux qu'une fille!
Odd tentait alors de tourner son regard, mais impossible de se dtacher des vtements qui glissent le long de sa peau, frlent ses lvres...Lui e sa main dans ses cheveux, irrsistible...Fantasme : le vestiaire vide, la main contre ses hanches, leurs visages qui se rapprochent dans un silence consentant, un baiser...Odd ne pouvait s'empcher d'tre gn de telles penses. Il faut dire qu'il y avait de quoi ! Et surtout, il y avait cette frustration de le savoir ct, torse nu, son odeur enivrante...et de ne pouvoir rien faire, rien dire, se rendre dans le gymnase avec le sourire, en plaisantant avec Ulrich...d'autant que celui-ci ne semblait gure apprcier le concept. Raide dingue de sa japonaise, Odd imaginait avec peine sa raction si celui-ci venait apprendre que son meilleur ami en pinait pour lui depuis des mois. Ulrich, rserv, rleur, terriblement secret, impulsif...lui rvler, ce serait le perdre. Hors de question de courir le risque ! Il lui fallait donc assumer les vestiaires comme il ait les nuits dans son lit alors qu'il rvait de montrer Ulrich ce qu'il fallait faire lorsque le chauffage ne marchait pas...avec le sourire !
Ce Jeudi ne fit pas exception la rgle. Les prouesses d'Odd en basket lui avaient encore valu les compliments de Jim. Il dut donc se er les commentaires railleurs d'Urich :
- Alors, monsieur le dieu du basket, qui serait capable de nous mettre la pate seul contre quinze ? , lui lana le jeune garon au moment o ils regagnaient les vestiaires aprs une hroque partie.
- Quoi, t'es jaloux ? , lui rpondit le blondinet avec un clin d'œil
Ulrich prit un air renfrogn. Quelques gouttes de sueur perlaient le long de son visage. Il tait vraiment mignon, ne put s'empcher de penser Odd.
- Je peux savoir pourquoi tu souris ? , lui demanda le brun d'un ton taquin.
- Hein...mais non je heu...je souris pas...
Odd se sentit rougir. Problme ! Inventer un bobard...n'importe quoi, vite !
- T'es amoureux ?
- Non, mais c'est pas a, je... heu...j'pensais un truc drle, c'est tout !
Lamentable ! Ulrich saisit son sac, il fit de mme et le suivit.
- Bon, viens, on va se doucher, avant qu'il n'y ait trop de monde ! Et allez, dit-il en se retournant vers le blondinet, raconte moi, je te raconte bien, moi...
- Toi ? rtorqua le blondinet. Ulrich qui raconte ses secrets, c'est comme George Bush qui a une bonne ide, c'est une fois tous les ans, et encore... Toutes mes excuses aux irateurs de George Bush, s'il en existe encore, mais j'ai pas pu rsister :D
C'est en se chamaillant que les deux garons, aprs tre s rcuprer leurs habits dans la chambre, se rendirent aux douches. La pice tait dserte : tant mieux, c'tait rare, mme cette heure-ci. Ulrich s'installa dans la premire cabine. Odd allait en faire de mme, lorsqu'il remarqua qu'Ulrich avait laiss ses habits en tas prs du lavabo. Il eut alors un sourire malicieux. Il attendit d'entendre le bruit de la douche, puis se glissa silencieusement hors de la pice, le tas d'habits dans ses bras, et se prcipita dans la chambre, pour jeter les habits sous le lit d'Ulrich. Satisfait, il regagna assez tranquillement les douches : Ulrich n'tait jamais rapide pour prendre la sienne ! Il se glissa silencieusement dans une cabine et se a sous l'eau juste assez pour tre mouill, puis il guetta les mouvements d'Ulrich, ne pouvant s'empcher d'imaginer -et de rougir !
Odd entendit grincer la porte de la cabine.
- Odd ?
- Oui ? , rpondit-il d'une voix ingnue.
-T'aurais pas vu mes habits par hasard , rpondit une voix lgrement excde.
Odd se retint de pouffer de rire.
Non...attends, j'arrive ! !
Ulrich, quelques mches de cheveux trempes devant les yeux, tournait dans la pice en pestant. Il avait accroch une serviette trop courte autour de ses hanches et tremblait de froid. Odd retenait ses exclamantions de joie. Voir Ulrich courir frntiquement travers la pice tait trs amusant, surtout le voir dans cette tenue ! Le blondinet s'appuya contre le mur, et, sachant son ami suffisamment occup, laissa son regard remonter de ses hanches sa nuque. La seule pense d'un entre leurs peaux le faisait frissonner ! Dcidment, il avait eu une ide gniale : jamais, en un an de chambre commune, il n'avait pu observer son ami aussi longuement et d'aussi prs.
- Odd ? Tu rves
Odd sursauta brusquement ! Ulrich tait devant lui et lui avait saisi le bras.
- Dcidment, t'es vraiment amoureux, c'est pas possible , lana le samoura d'un ton sarcastique.
Odd tentait de retrouver son calme, mais son cœur battait cent--l'heure. Il lui semblait que son bras le brlait l'endroit ou Ulrich l'avait touch.
- Tu m'as vu les prendre, tout l'heure ?
- Bah, je sais plus moi , rtorqua le blondinet d'un ton qui se voulait le plus naturel possible. J'ai pas fait attention
- Pfff, on peut pas dire que tu m'aides , maugra Ulrich.
Odd tenta de prendre une expression neutre. Il faisait vraiment un effort colossal pour cacher sa joie. Dans sa tte, il rptait : Qu'il ne retourne pas dans la chambre, pas tout de suite, pas tout de suite Il tait tellement mignon quand il tait nerv, les sourcils froncs, le regard excd...Il tait tellement mignon tout court.
- Allez, viens, on va voir dans la chambre s'ils ne sont pas rests , dit Ulrich, le saisissant par le bras et l'entranant hors de la pice. Odd courut derrire Ulrich en retenant son souffle. Celui-ci ne lui avait pas lach le bras. La main d'Odd glissa -volontairement ?- sur les hanches de son ami. Sa peau tait chaude et douce. Au , Ulrich sursauta. Odd retira alors brusquement sa main, contre-cœur. Il risqua un regard : mais Ulrich ne s'en tait apparament pas proccup.
Evidemment, une fois dans la chambre, Ulrich retrouva ses vtements en boule sous son lit. Il fit quelques remarques Odd mais n'insista pas, voyant que celui-ci tait ailleurs. Et effectivement, celui-ci, la main droite encore brlante, tait plong tout entier dans ses doutes. Il entendait peine son ami l'invitant aller manger, mot qui pourtant d'habitude chez lui crait une excitation immdiate suivie d'ahurissantes dmonstrations de goinfrerie. Mais aujourd'hui, rien ! A la surprise du groupe tout entier, Odd mangea peu (mais tout est relatif !). Pour Ulrich, la raison en tait simple : cela confirmait tout ce qu'il avait remarqu depuis quelques temps : son ami tait amoureux. Il avait enfin fini par se rsoudre l'ide que jamais il ne reverrait Sam, et que peut-tre celle-ci n'tait pas faite pour lui. Il se serait donc trouv une nouvelle muse, une nouvelle grie pour laquelle il se serait pris de ion, plus ou moins agre. Oui, se dit-il en croisant le regard dsabus du blondinet, ce devait certainement tre a.
La curiosit l'emportant, Ulrich prit la rsolution de torturer le blondinet jusqu' l'aveu. Une fois remonts dans la chambre, Ulrich, trop occup mettre au point une stratgie d'attaque, ne sentit comme d'habitude pas le regard aventureux qui le surveillait.
Une fois couch, enroul dans les draps, il dcida de er l'action.
-Alors, je peux savoir de qui t'es amoureux ?
Odd s'tait relev pour teindre la lumire. Ne s'attendant sincrement pas cette question, il afficha une sincre surprise.
Allez, a fait des jours que je t'observe, t'es pas dans ton tat normal quand tu te contentes uniquement de ton assiette.
La lumire s'teignit. Ulrich s'attendait une rplique cinglante du genre et toi, ta ionnante vie avec Yumi ? . Odd qui n'envoyait pas de vannes, cela signifiait bien qu'il n'tait pas dans son tat normal.
Tu veux pas me dire...
Il s'interrompit. Odd s'tait approch dans le noir. Leurs regards se croisrent, les yeux du blondinet brillaient. Il se pencha vers son ami, leurs lvres se touchrent, sa langue frla la bouche du samoura. Cet instant lui parut durer une ternit.
Lorsque le blondinet ralisa l'ampleur de son geste, il leva timidement les yeux et croisa le regard bahi d'Ulrich, fig. Il lui lana un clin d'œil.
Voil, tu sais. C'est mieux comme a ?
Par Naoescolhaparajehan.